La parentalité, ce qu’on ne m’avait pas dit

Des plans, j’en avais plein la tête, pour être la maman parfaite, la pédagogie Montessori, de la guimauve dans mon cœur, toussa toussa. Experte en « je-donne-des-conseils-aux-gens-même-si-je-n’ai-jamais-eu-d’enfant ». On en connaît tous au moins un(e), que celui qui ne l’a jamais fait me jette la première tétine.

Sauf que, comme dans le sketch de Florence Foresti sur l’accouchement, il a dû y avoir un pacte signé pour taire la face obscure de la parentalité. Question de ne pas rendre stérile l’humanité en deux générations.

Ce que tu ne savais pas :

– C’est le Kosovo dans ta vie

Il y a un avant (virées improvisées entre filles, coups d’fêtes chez Dédé, et si on se faisait une séance ciné/restau/copulation frénétique en last minute ?). Et il y a un après. L’après, c’est quand tu n’envisages, même pas en rêve, d’improviser. Parce qu’avec le rythme de l’enfant : tu ne joueras point. Son repas. Son change. Sa sieste. Son bain. Son doudou. Sa veilleuse. Son Xanax. Ah non ça c’est pour moi. Ton compte en banque ressemble à un lendemain de soldes, sans les soldes. Tu as sacrifié une jambe et une fesse pour le siège-auto à 98.000 balles, et ton budget petits pots industriels/couches jetables a explosé depuis que tu n’as plus le temps de cuisiner amoureusement des super purées bio ni de détacher/laver/sécher/ranger les 37 couches lavables qui moisissent dans la buanderie. Tu n’as plus le temps de rien, en fait. Ni de te brosser les dents le matin, ni d’aller faire pipi avant d’enchainer ta journée (profite d’être au boulot pour ça, c’est plus calme). Ta bouée, c’est la baby-sitter, quand tu as réussi à en trouver une convenable que tu n’as pas envie d’appeler toutes les 10 minutes pour savoir si elle n’a pas mis le feu à la baraque, et que tu as booké minimum 15 jours à l’avance.

– L’instinct parental n’est pas inné

J’ai bien cherché, enfoui en moi (mais alors très profond, genre, dessous, c’est le permafrost), la petite voix qui te dicte ce qu’il faut faire ou ne pas faire, la solution à chaque problème, emprunte d’une certitude universelle que tu ne feras jamais de conneries et que l’amour saura triompher de tout. *Paillettes et licornes*. Ben peanut ! Plus d’une fois, je me suis demandée, à 2h du matin, bébé hurlant dans les bras, à quel degré de l’échelle de Richter ce n’est plus du bercement mais du bébé secoué… Le vocabulaire médical du nourrisson n’a plus de secret pour moi, même Laurence Pernoud n’a pas tout listé dans son bouquin. Loin de là. Je ne suis pas née avec la curiosité du fennec pour les coliques, les RGO, les réflexes d’éjection et autres jours de pointes… C’est juste que j’ai passé des nuits entières à écumer les forums parentaux, à pleurer ma détresse comme une chamelle en plein désert.

– Les Chinois n’ont pas inventé les pires supplices. Ton enfant, si.

Tu rentres chez toi après une journée épuisante au boulot, tu crèverais pour une bière fraîche, un canapé et la télé. Aaaaah, l’appel irresistible de la position couchée… C’est sans compter ta deuxième journée qui commence, celle de l’enfant ! Son repas. Son change. Sa sieste. Son bain. Son doudou. Sa veilleuse… Quand enfin ses adorables petites paupières se ferment, il y a de fortes chances pour que, soit tu t’aperçoives qu’il est déjà 22h30, tu n’es pas douché, tu n’as pas mangé, ton salon ressemble à Beyrouth ; soit (le pire), il n’est que 19h30, mais tu ne rêves que d’aller te coucher tel quel, dans ton jus. Ta vie sociale non parentale ? Tu oublies. Autour de toi, les copains sans enfants font place vide. Ils sont las de tes conversations qui tournent autour de l’enfant, de ne pas pouvoir t’avoir un repas entier à table, car tu cours derrière lui (« Nooon touche pas à çaaa ! Viens manger ! Maman n’est pas contente ! Non, tu ne craches pas la purée !!! Oui pardon, tu disais ? Ta boss est pénible ? »). Sache que toi aussi, tu te lasseras de les entendre se plaindre qu’ils ont mal dormi la nuit dernière, alors que toi, tu n’as pas pu accumuler plus de 3h d’affilées de sommeil depuis 7 mois. Ce n’est que justice.

Mais aussi, ce que tu ne sais pas encore :

– Tu imaginais avoir déjà aimé ?

L’Amour de ta vie, le crush absolu, ton amoureux choubidou avec qui tu partages des plateaux télé et des soirées romantiques ? Haha. De la gnognotte. Attends de rencontrer la chair de ta chair, le sang de ton sang. J’en entends beaucoup exprimer leur amour parental comme si c’était une chose toute naturelle, fournie avec le colis. Désolée, mais chez moi, l’amour s’est gagné à coups de changes dégueu, de fatigue accumulée, de stress permanent de me planter, et de périples pour trouver du doliprane infantile, un dimanche à 18h30. Quand l’enfant se cramponne à moi avec ses micro-doigts comme à une bouée en pleine tempête, me réclame en pleine nuit et ne se calme que dans mes bras en reniflant comme un condamné à mort : oui, là, je l’aime. Le premier qui lui fait du mal, je le défonce.

– Tes priorités ne seront plus les mêmes

Accro à mon boulot, une parenthèse bien-être chez l’esthéticienne, ma série préférée le lundi soir, mon salon bien rangé et ma vaisselle toujours faite… Nous avons tous quelque chose que nous n’imaginons pas pouvoir concéder, pour rien au monde. Il ne s’agit pas d’y faire une croix, une fois la petite Bulle éclose, mais de se rendre compte qu’il y a des choses qui étaient importantes avant, mais qui passent au second plan, ou semblent tout à coup futiles en comparaison des nouvelles cartes qu’on a en main. La parentalité m’a appris le lâché-prise, la relativité du temps qui passe et à pratiquer le yoga dans ma tête, entre deux changes de couches. Namaste.

– Le plaisir des joies pures

Si tu es comme moi, difficile à contenter, alors tu vas t’étonner en tant que parent. Oui, tu vas faire péter le champagne à chaque sortie de quenotte (après 5 jours de poussées dentaires douloureuses, fièvre baveuse et crises de pleurs). Son rire croustillant te fera rire aussi, tu auras envie de l’écouter sans fin, et tu feras tout pour l’entendre le plus souvent possible. Tu vas t’attendrir de trucs complètement débiles, de sa bouille essayant de mâcher une mie de pain en visant avec ses 4 dents, ou de son étonnement devant les choses les plus basiques. A travers les yeux de ton enfant, tu vas redécouvrir le monde. Et c’est tout simplement merveilleux, le monde vu par des yeux tout neufs.

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